1. « Langue appliquée » ou « En mai, fais ce qu’il te plait… »

Il a 63 ans et parle une langue d’Europe du nord, moi je ne parle qu’une du sud et nous n’en partageons aucune (heureusement me direz-vous quand vous connaîtrez toute l’histoire).

Quelques mots communs tout au plus (un ou deux d’anglais, guère plus de français) pour qu’il me narre ses maux.

Il se lance et me montre sa bouche, écarte les lèvres, puis les mâchoires et du doigt me fait comprendre que tout y passe : gencives, langue, palais et voile, lèvres et joues muqueuses.

Il fait du bruit (« pshhitt »), secoue les mains et globule des yeux (« globuler des yeux », parfaitement monsieur, verbe du premier groupe, exactement!).

Je traduis « ça brûle ».

Je ne sais s’il comprend (en un mot) mais il opine (un seul mot toujours) du chef,  globulant de plus belle.

Je jette un œil (non globuleux voyons ! il suffit : c’est le mien !) et constate l’énanthème sans le moindre anathème. Enanthème circonscrivant (« circonscrivant » pas « circoncisant », ne me poussez pas à bout) un muguet florissant.

Mais un muguet, quoi de plus normal, en ce début mai !

Et tout à coup revoilà mon bon monsieur qui repart dans une diatribe endiablée.

Plaquant ses deux mains jointes (aux pouces et aux index) sur son entrejambe il ouvre grand la bouche (ce doit-être une habitude chez lui) et donne des grands coups de langue, lapant le vide avec application et un bruitage éloquent (« sluurp »).

Dès lors le doute m’habite.

Dois-je comprendre ?

Et lui, devinant que je comprends mal, globule à outrance, referme la bouche, hésite, réfléchis, et se lance.

Faux départ. Il se regroupe à nouveau et contrôle in extremis (désolé, je n’ai pas pu m’en empêcher) un bégaiement.

Du sommet des lèvres réunies il lâche brutalement un nouveau mot.

Et en français cette fois : oui m’dame.

« Clitoris » ! (clitoris sied à toutes les langues comme chacun sait)

Et là tout s’emboite. J’ose le dire !

De la langue c’est finalement un clitoris qu’il titilla et d’une mycose que sa doucereuse (douce heureuse si vous préférez) lui con céda! Quel Candide ! Mais le Candide ose !

Le diagnostic fait, l’ordonnance rédigée, il ne me restait plus qu’à lui expliquer qu’il allait devoir faire couler le gel guérisseur dans la bouche, le garder plusieurs minutes en s’en gargarisant largement (je vous passe le bruitage) avant de l’avaler.

Mais plutôt que de le narrer, je vais vous laisser l’imaginer… et moi –enfin- me marrer !

 

Publiée pour la première fois sur le groupe Facebook "Perles du SAMU" le 23 octobre 2016 à 9H21.

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